Photo © Charly . D
04/10/2019 - Jour 1:
Départ pour le Nouveau Brunswick direction le parc provincial du mont Carleton. Je n’étais pas revenu me perdre dans la nature de cette province depuis 2017, lors de notre treck sur la Bay Fundy foot path.
Quel doux sentiment cette béatitude d’être en congés 3 jours au milieu d’un tumulte professionnel démentiel, bien que stimulant. Cette petite escapade va me redonner le souffle et l’énergie dont j’ai besoin pour ralentir le hamster encéphale. Après 3 h de route, nous arrivons à l’accueil du parc où nous prenons un site de camping aménagé pour la première nuit proche du lac Nictau, puis un second site sauvage au milieu de notre trail pour demain soir. L’accueil du personnel est des plus chaleureux. Courtoises, souriantes et vraiment serviables. On prends du bois, nos cartes et on file. À peine arrivés, 30 secondes sortie de la voiture, un hôte des bois nous accueille avec notre plus grande surprise et satisfaction...
On dresse le petit campement , on trouve du bois pour notre feu. Il fait froid mais on est bien ! Après un souper déshydraté, quelques verres de vin autour d’une jasette campesque, il est temps d’une belle nuit sur un sol d’épinette. Demain nous attaquons le sentier, lestés de quelques 45 lbs sur le dos, à l’attaque des 3 monts qui font naître la chaîne des Appalaches au Nouveau-Brunswick. Bonne nuit !
05/10/2019 - Jour 2 :
Réveil matin 6h30 .... Il fait nuit ?! On se dorlote encore 30 min dans le sleeping.... j’ai eu froid. Ma tuque avait foutu le camps, ma tête étant alors le pot d’échappement de ma chaleur corporelle. Tony lui , c’est une bouillotte.
Petit dej, puis on remballe le campement encore givré par le frima du matin automnal. On refait nos sacs, aucunement au hasard, le poids bien balancé entre le haut et le bas, pour un équilibre optimal sur le dos. La montagne en autonomie, ça ne pardonne pas lorsque tu portes lourd. Mon sac fait partie de moi et je ne sens quasiment pas les 45 lbs sur mon dos.
09h30 : On monte par la face Ouest du Mont à Sagamook. Il y a 450 millions d’années, nous n’aurions pas marché ici, on aurait nagé dans un océan nommé Japet. Les sommets de la chaîne du Mont Carleton sont le résultat de collisions de plaques qui ont suivit la fermeture de cet océan, liés à une activité volcanique intense . Ce que nous grimpons aujourd’hui , est Le chefs d’œuvre du temps, du vent et de l’érosion. Le chemin est magnifique sous ces couleurs d’automne. Il est jonché de racines, et surtout de roches à escalader ! Chaque face est plus rocailleuses les unes des autres...
Le climat du Mont Carleton est frais et humide. On le sent à chaque arrêt. Les 3,5 premiers kilomètres sont très raides, ça grimpe fort au milieu des cascades, le long du ruisseau Caribou Brook. On est en forme, le sac à dos fait partie de nous, confort total , satisfaction à son comble. Les traces d’originaux ne manquent pas. C’est le temps du rut et il faut faire attention si nous croisons un mâle en quête de femelles. D’ailleurs, nous entendons dans le sous bois, un appel d’un mâle à proximité lors de notre progression. Ça nous prendra 1h40 pour arriver au sommet du Mont Sagamook (777m), où nous prenons notre pause dîner. Le paysage est à couper le souffle et les dédales de pierres et de roches à traverser pour si rendre, sont assez rocambolesques avec nos gros packsac ! On a vraiment du plaisir ! On commence à croiser de l'Homo Sapiens , alors que nous étions seuls au monde !
Nous continuons vers le Mont Head (792m), une belle ligne de crête qui fait la jonction jusqu’au Mont Carleton, sans trop de difficultés physiques, avec quelques montées mais avalées facilement. Tout notre environnement est superbe. On grimpe sur la face Nord du Mont Carleton, réputé pour ses fortes précipitations et ses températures hivernales très basses. Du haut de ses 820 m, nous surplombons la magnificence de toute la vallée forestière et la chaîne de montagne des Appalaches Nouveau-Brunswickoise. La forêt est en parfait équilibre, alternant les arbres matures et jeunes, des clairières et des marais, principalement trônés par le bouleau jaune et le tremble, mêlés de thuya d’âge mûre, d'épinettes noires , et de sapins baumiers. On entend la grive aux joues grises , seul chant à proximité, elle qui se reproduit dans la chaîne des Appalaches dans le sous bois d’épinettes et de conifères de haute altitude. On peut faire la rencontre du lynx, de la chouette rayée, de la petite buse, du mélodique bruant à gorge blanche, du cerf de virginie et du majestueux orignal. Cette forêt boréale luxuriante laisse place à un écosystème stérile, quasi toundresque au sommet; l’habitat est plus hostile car exposé au grand vent glacial, où les lichens et les plantes subalpines se côtoient, comme l’airelle de montagne et les mousses rares.
Une des faces se compose d'une pente d’éboulis servant d’habitat à de nombreuses espèces telle que la musaraigne de Gaspé, endémique du Canada !
À son sommet, une cabane ... Pas la cabane au fond du jardin mais un ancien spot pour surveiller les feux de forêts ... un maudit beau spot en passant ! La vue sur les 360 degrés de forêt semble quasiment sauvage. Les coupes à blancs par endroits trahissent cependant la sauvagerie des lieux ... l’humain mécanique passe continuellement. Beaucoup de monde au sommet, malgré la saison. Une rencontre avec un groupe de gars brasseurs et distilleurs de la distillerie Les fils du Roy ! Quelle douce coïncidence, nous connaissons celui qui a lancé cette même distillerie au Québec ! http://distilleriefilsduroy.com/fr/
On a beaucoup rit ! Jasette et blagues à profusion, pendant au moins une heure de temps, autour d’un partage de chopines remplies de gin de thuya bien sûr ! J’aime ce genre de rencontres atypique et surprenante au détour d’un chemin de traverse. La vie nous offre tellement de belles opportunités lorsqu'on reste ouvert.
Avec Tony, on hésite ... Est ce qu’on ne resterait pas sur le top pour admirer la voûte céleste qui promet d’être des plus scintillantes, dans ce beau panorama 360 degrés et un ciel sans nuage .... Hum ... le vent glacial nous fait réfléchir à deux fois, mais c’est surtout la nécessité de trouver une rivière pour s'approvisionner en eau qui est primordiale ce soir. En autonomie complète, la priorité à votre campement, est de trouver une rivière ou un ruisseau pour ne jamais manquer d’eau. Permettre de remplir ses gourdes en traitant l’eau par ultra violet, avec de la pristine ou en la faisant bouillir 10 min.... C’est une question de survie ! Autant pour boire que pour manger chaud. Le campement sauvage où nous allons est à Headwater, sur le flanc Sud-ouest du Mont Carleton, dans une forêt de feuillus peuplées d’originaux et de cerfs. Un ruisseau coule au milieu du campement et une cache à nourriture pour éviter l’intrusion d’ours ou de raton-laveurs est à proximité. Parfait ! C'est un lieu idyllique pour les trippeux de nature sauvage que nous sommes. On se trouve un endroit pour piquer la tente .... Les racines nous donnent du file à retordre, puis on allume un feu.
Il fait moins froid qu’hier, et je sais que je ne compterai pas les moutons bien longtemps avant de m’endormir. Le corps est une fabuleuse machine qui s'adapte très rapidement à son environnement. Testez-le sans crainte, vous serez vraiment surpris de voir à quel point nous sommes encore des hommes de cromagnons capables de subir le froid et l'inconfort et y trouver du plaisir ! Le feu permet de nous réchauffer et de faire bouillir l'eau dont nous avons besoin pour le souper. Ça permet d'économiser la bonbonne de gaz. Au menu , une sorte de pad thai aux arachides, déshydraté, un peu de saucisson et une tisane. On profite du feu, je m’endors à moitié. On range dans un sac au sec toute la nourriture, la pâte à dent et les gels nettoyant et allons le porter au système de poulie surélevées à un arbre avant la noirceur : anti-ours garanti. Petite astuce : veillez à ce que votre cache à ours soit toujours assez éloignée de votre campement, et veillez à ne pas répartir de la nourriture autour de votre feu. Le mieux est d'éloigner votre coin cuisine de votre tente. Il vous faut donc trouver 3 spots : un pour la tente, un pour la cuisine et un pour la cache... Tranquillité garantie !
On récupère un peu de bois au retour, pour alimenter le feu de camp. Les coyotes se font entendre au loin.... J’adore ça. J'adore cette vie proche de la nature, en lien directe avec nos instincts les plus animal, en lien avec notre corps, nos ressentis reptiliens. Seul l’instant présent compte et l’homme de ma vie qui est à mes côtés. L’instant est juste parfait.
06/10/2019 : Retour au top et redescende aux enfers !
On a dormi comme des bébés bambi. Après un petit dej copieux avec ce sempiternel gruau, nous repartons en sens inverse pour retraverser la chaîne des Appalaches. Si nous étions parti à plusieurs avec deux voitures, on aurait prévu de faire la grande boucle et passer par le sentier Big Brook Trail pour redescendre jusqu’au lac Barthurst, en ayant posé au préalable une auto à Pine Point ou encore à Little Nicto (CF. la carte au début de l'article). Mais n'étant que tous les deux, l’auto est en bas du ruisseau Mountain Brook côté Ouest du parc, là ou nous sommes partis. Nous faisons le même chemin en sens inverse, sans trop de choix. Sur une montagne rocailleuse à pente raide, la descente n’est pas forcément plus facile. Elle sollicite les genoux. Il faut donc garder son équilibre sur les feuilles mortes de ce sol d’automne humide. Les bâtons sont salvateurs ! La montée est sollicitante sur la face Sud-ouest. Courte, mais très rocailleuse et à pic. C'est un bon training matinal. C’est agréable, on est en forme, et le sommet du Mont Carleton, à 9h30 du matin, est à nous seuls ! On se fait un petit café après la première montée, de retour à la cabane de surveillance incendie sur le top de la montagne. Le ciel est radieux, le vent glacial mais vivifiant..... Un sentiment de liberté m’envahie et automatiquement mon cerveau sécrète sa dose de dopamine et d’endorphine dont je suis accro.
La descente est douce , ponctuée de belles rencontres anglophones, d’une glissade le derrière sur le sol humide jonché de feuilles mais au moins, enjolivée par la cascade à mes côtés ! Un peu de misère à me relever avec mon gros sac, pis un petit mal de fesse. Une chance que j’ai un amoureux au top. Ma béquille en cas de chute, mon amour qui est toujours là pour m’aider à me relever de tout dans la vie.
Il y a même des arbres mangeurs de signalisation !!!!! La nature m'étonnera toujours !! :0
Arrivée à 14h heure locale, au pied de la chaîne de montagnes. Le sourire aux lèvres, nous avons l’envie de continuer et de rester ancrés dans ce sentiment de béatitude qu'offre la symbiose avec la nature, dans un environnent thébaïde, près de nos instincts les plus animal. Il n’y a rien de plus revigorant que de retrouver ce lien intrinsèque avec notre vraie nature d’Homo sapiens. Retrouver régulièrement son cerveau reptilien remet les choses en place, en équilibre. Vous devriez l’essayer, vous aller adopter ce genre de vie rapidement. Enjoy the present ! ;)
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