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Uapishka : Monts Groulx, paupières ouvertes sur l'oeil du Québec

Dernière mise à jour : 11 mars 2021

Toutes les photos ont été faites par nous mêmes. Merci de respecter le copyright. © Charlène Dupasquier et Tony Charest


Deux semaines de préparation de nourritures déshydratées, plusieurs semaines de préparation mentale et de prise d'informations, d'études de carte et de rêves dans la tête. J'aime le moment délectable d'avant : la préparation qui me nourrit l'esprit et le cœur et mon besoin d'aventures. Mes rêves... ceux que je réalise dans ce vrai monde. Les Monts Groulx, ça fait longtemps qu'on en parle avec mon conjoint. Et cerise sur le gâteau : un couple de très bons amis se joint à nous pour cette randonnée de 5 jours en autonomie complète.


Uapishka ..... 51e parallèle, aucun sentier une fois dans sur la chaîne de montagnes,. Juste la nature sauvage et les éléments naturels avec sa météo parfois impitoyable ! La liberté, l'aventure à l'état pure dans ce milieu ou assez peu de personnes mettent les pieds. Seulement des expérimentés ou des téméraires. Fin septembre, dans ces territoires, est synonyme de froid, d'humidité incessante et même de neige. Une expédition dans un territoire isolé comme celui-ci n'est pas à prendre à la légère. Pour se permettre de fouler ces montagnes bordant l'oeil du Québec, il faut être solide, bien équipé, savoir ce que l'on fait et être très à l'aise à la carte et boussole ou avec un GPS. Je vous conseille d'avoir votre cours de secouriste en région éloignée également ! Cette expédition vous amène sur des sommets majestueux ou règne la Taïga, offrant un panorama splendide sur le 4e plus grand cratère météoritique du monde : l'astroblème de Manicouagan.


50 km de randonnée en haute montagne, c'est retrouver ses instincts primitifs et son bon sens dans un milieu aussi beau qu'hostile.

© Charlène Dupasquier

Phase 1 : préparation et excitation grandissante !

“Il parait qu'au sommet des Monts Groulx, appelé Uapishka en Innu, la neige est si blanche qu'elle cause des ''blancs de mémoire''!''

Caractéristiques importantes à savoir :

  • Il pleut tous les 2 jours à Uapishka;

  • Si tu ne veux pas faire du pouce à la fin de ton périple, il faut porter une deuxième auto au km 365 et partir avec des souliers et ton énorme sac de 50 livres au km 335 de la route 389 .... La seule route qui te mène dans le Nord. La seule oui !

  • Comme le trajet pour s'y rendre prend une journée, une nuit s'impose avant de se perdre en nature : soit le refuge de Lyre au Km 335 ou tu peux loger gratuitement en échange de 2h d'ouvrage communautaire. Jacques Duhoux le propriétaire habitant les lieux est sur place toute l'année excepté de juillet à septembre. Tu peux aussi reposer ta carcasse à la station Uapishka, site payant, géré par une coopérative de gens chaleureux et intéressants.

  • 2 stations essences très dispendieuses sur cette route : une à Manic 5 et une au relais St-Gabriel au km 318 : Faites le plein à Baie Comeau avant de partir, conseil !

  • Tu as de bon dénivelés , parfois tu traverse le bush, tes souliers seront mouillés quasiment en tout temps, tu auras froid, parfois très froid, tu auras chaud, tu serais heureux et parfois un brin écoeuré, tu seras en paix et en harmonie avec la nature mais tu te battras dans un certain chaos et tu voudras rentrer en cas de mauvaises conditions météo durant des jours et usant ton moral pour finalement n'avoir aucune envie de rentrer chez toi. Une fois sorti, tu voudras seulement y retourner.

Départ km 335 stationnement : 51°08',2'' N / 68°12'39.9'' W

Mont Provencher : 51°31'36.36'' N / 68°04'12.44'' W

Mont Jauffret : 51°37'13.34'''' N / 68°6'57.64'' W

.... Je ne peux pas tout vous mettre, il faudra travaillez un peu là-bas !!


On lit partout que la route de gravelle pour s'y rendre est l'enfer sur terre et qu'il faut prévoir des pneus de rechange et des bidons d'essence .... Au Guatemala j'ai vécu terriblement pire, que je n'ai rien trouvé d'impressionnant là ! Par ailleurs, elle vient d'être refaite et une grande partie est à présent de l'asphalte bien tapée. 30 minutes aller/retour suffisent pour porter l'auto entre le km 335 et le km 365 contrairement à ce qu'il était encore impensable il y a 2 ou 3 ans.


Un excellente carte topographique est indispensable. Le GPS aussi. Pour votre information, il existe une application Iphone faisant fureur chez les guides d'aventure : GaiaGPS.... Un vrai bijou qui nous a grandement servi lors de mauvais temps lorsque la brume colle presque à votre nez, vous enveloppant dans un nuage laiteux et humide mais étrangement magique.


J-1 : Une journée pour se rendre et une station accueillante pour partir du bon pied (24/09/2018)

“Si Manic 5 explose, nous vivrons pire que le déluge de Noé''!

Une journée nous sépare des Monts Groulx en auto, avec traversier, route de la Côte Nord, et unique route du Nord la 389. La traversée des barrages Manic est impressionnante et déroutante .... Incroyable construction humaine se battant avec l'eau des rivières... L'Homme en a même changé la variation de niveau d'un des plus grands cratères du monde.

Arrivée à 19h00 : nous cherchons le refuge de la Lyre, sans savoir qu'il fallait faire un bout de sentier pour le trouver. Nous nous laissons donc charmés par la station Uapishka et louons un petit chalet à nous quatre. Au menu : partage les vivres et de l'équipement d'équipe, refaire le set-up des sacs, manger et étudier la carte topographique. David, le gérant, donne beaucoup d'indications et des copies de plus petites cartes ou sont annotées des possibles lieux ou posé le camps. Après un bon souper tardif, tout le monde sombre dans les bras de Morphée en rêvant à la trail de demain.


J-2 : Ton sourire n'a d'égale que la beauté des lieux... Ton énergie est à son comble (25/09/2018)

“Et la nuit épaisse tombe sur la forêt, et le gel s'abat comme une hache sur le petit campement. Le trappeur n'a pas perdu son temps, et c'est le cas de dire que ses coups ont porté. Lorsque les toiles recouvrent les perches, que la neige est entassé tout autour sur les côtés, que le poêle chauffe et qu'il y a une fesse de castor dans le chaudron, il glisse alors dans un bien-être presque absolu, ne comprenant pas encore vraiment qu'il est en train de vivre, au fond des bois , les meilleurs moments de sa vie'' (Paul Provencher, Le dernier coureur des bois, 1974)

Il est 19h40. Nous sommes sous la tente. Dehors c'est le déluge : vent, pluie diluvienne, froid, tout s'infiltre dans notre tente. Hum ... La nuit ne sera pas la plus confortable. Je couche ces lignes avec un peu d'insécurité mais je vais bien. La journée a débuté sous une température agréable. Le paradoxe météorologique de Uapishka, puisqu'elle s'est fini sous une pluie torrentielle.

6h00, un gruau dans le ventre, nous sourions plein d'énergie. Le sac à dos endossé sur nos épaules, les premiers kilomètres sont avalés fort aisé puisque c'est le seul sentier aménagé, menant au refuge de la Lyre, (un site enchanteur et artistique qui sort des sentiers battus. La trail mène jusqu'à la crête aboutissant sur le massif Provencher.


© Charlène Dupasquier

L'ascension à travers la forêt boréal résineuse est magnifique,. Elle est en parfaite équilibre en son métaclimax, les strates arborescentes de tout âge se succédant naturellement jusqu'aux arbres morts offrant logis à de multiple espèces d'oiseaux, de petits mammifères et d'insectes. Jusqu'à la crête du massif Provencher, le sentier est tracé et traverse de belles tourbières, étangs et lacs. Au sommet, le vent est vif, froid, mais surtout vivifiant. Là haut, on se sent vivant. La taïga s'étend à perte de vue. Ce milieu atypique, riche. Le sommet est jonché de centaine d'Inukshuk invitant les aventuriers à les suivre. Notre objectif est l'abri du lac Quintin. On ne le saurais que le lendemain mais nous avions raté le col à prendre pour y arriver tout de suite. Nous avons fait pas mal de détours et perdu du temps à vouloir couper et passer à travers des bush infranchissables, stoppés nette à mainte reprises ... Il faut s'adapter lorsqu'on trace soit même son sentier à la carte. La température change, il commence à pleuvoir et la brume nous empêche de prendre de bons points de repères pour tracer nos azimutes. Finalement, nous devons revenir sur nos pas pour suivre notre idée première à Steph et moi, de suivre la ligne de crête. Nous décidons d'atteindre le lac Nomade pour le premier camps. Nous ne savions pas encore que la brume et la pluie allait ralentir notre progression et que le lac Nomade ne sera pas atteint ce soir.

Credit : Charlène Dupasquier
Massif Provencher, vue sur le cratère Manicouagan

La vue sur le cratère est imprenable ! Impermanence ! Sensation impressionnante de liberté ... Drôle d'antinomie face à la servitude de la survie imposée par dame nature à tout êtres vivants portant 50 livres sur le dos.

Nous continuons sous la pluie, avec une sorte d'énergie communicative et de béatitude joyeuse. Celle du début d'expédition. Fin de journée, le lac n'est toujours pas là...


Nous essayons en vain de sortir des tourbières. La pluie fait rage. Il faut trouver un endroit moins humide que les sphaignes gorgées d'eau si nous voulons dormir sans finir noyés. Il y a trop peu de visuel pour se repérer comme il faut. Nous savons ou nous sommes, mais la progression s'arrête là pour aujourd'hui. Nous trouvons un endroit un peu moins spongieux et plantons les tentes, mouillés jusqu'au os. Nous montons la bâche pour le coin cuisine. Il faut rester actif sinon le froid te saisie. Il faut se changer pour des vêtements secs et surtout bien protéger son linge pour dormir. Tout le monde doit s'activer et concourir au camps collectif. Chaque soir, nous tournons pour la préparation du souper. Ce soir, c'est Tony et moi qui préparons une bonne paella sur le réchaud. On se réconfortent, on dépasse nos limites entres amis. Quel beau moment malgré les inconforts de la météo. Excitation, fierté, bonheur ... Humidité et froid, toujours nos grands amis ! J'apprends grâce à mon amoureux les rudiments du campement sous des conditions difficiles. C'est un homme si tolérant et si apaisant dans ce genre de situation. J'ai une confiance absolue en lui. Le froid humide est ma faiblesse, je sais que je vais devoir aller chercher en moi de quoi surpasser mes limites en gardant mon sourire et ma folie que Tony aime tant. Tous les 4, nous sommes si complices, c'est beau de nous voir aller. On jase, on rit. Steph surmonte sa limite à elle, celle de se croire perdue. Ne pas avoir de sentier bien définie la perturbe. Elle verse quelques larmes d'émotion. Nous sommes là, on vit ça tous ensemble, après 18 km dans nos jambes en ce jour.

Intemporalité, émotion, complicité.


Jour 3 : La pluie fait place à la pluie ! (26/09/2018)

“Un lac est la caractéristique la plus belle et la plus expressive du paysage. C'est l'oeil de la terre. Regardez dans lequel le spectateur mesure la profondeur de sa propre nature !'' (Henri David Thoreau).

Il a fait froid longtemps cette nuit. Quelques moments d’accalmie, mais la pluie ne cesse pas ce matin. C'est n'est pas si grave, après tout, c'est magnifique et nous sommes des gens de terrain bien équipés. Il faut être honnête, on a pas dormi beaucoup dans cette tourbière humide, mais suffisamment pour avaler 14 km en montagne ! Mon stock est détrempé, quelques petites erreurs de rangement que je ne referai plus croyez-moi ! On apprend ! Pour le moment tout va bien, je ne sais pas encore que ce fait allait me faire monter les larmes le soir venu. Pendant le petit déjeuner sous la bâche, gruau, notre sempiternel, Steph nous informe qu'elle a été malade cette nuit et se sent vulnérable. On continue ? ... Oui, ok.

Sous cette température, il faut prendre ses précautions pour ranger son matériel qui est notre survie du lendemain. Dans ces conditions, cela peut vous prendre 2h30 facilement. Cela nous a pris du temps, le petit-déjeuner aussi. Nous partons à 10h00... Mauvais calcul de temps. Je vous conseille lors de vos grandes randonnées en autonomie de vous lever tôt et de partir tôt afin de parcourir le plus de kilomètres possible, pallier aux erreurs de parcours et arriver tôt à votre camp du soir pour s'installer et souper avant que la noirceur advienne.


Nous traçons nos premiers azimutes. Le lac Nomade... À la fois si proche et si loin avec nos chemins de traverse brumeux. La veille, un vilain mal de tête m'assaillait car je n'avais pas pris ma dose habituelle de caféine ... Mauvaise addiction que je compte bien régler une fois rentrée. Un double café s'est imposé à moi ce matin. Je suis d'attaquepour gravir n'importe quelle montagne sous la pluie torrentielle !

C'est excitant et parfois stressant les Monts Groulx. Mais c'est le genre de stress positif qui réveille vos instincts et vous permet d'avancer plus loin, physiquement et mentalement. Mais les difficultés sont à la hauteur de la magnificence des lieux, de ces paysages, de cette sauvagerie. Uapishka vaut son pesant de bonheur.

Gratitude dans cette intemporalité.



Même sous la pluie et la brume, le paysage teinté d'une aura mystique est époustouflant.

Cependant le sentier est difficile à pratiquer ... Un sentier, mais que dis-je ?! Il n'y a pas de sentier ! C'est du terrain boueux, spongieux et glissant ou nous déambulons comme des pantins ... de joyeux pantins, sur une trail imperceptible ! La mousse, les lichens, les sphaignes rendent nos pas moelleux, mais humides... Tellement humides. Cependant, c'est un matelas molletonné très apprécié pour dormir.

Stéph et moi avons nos souliers qui prennent l'eau. Tony et Jean-mi sont encore au sec. Les quelques moments accalmie sont appréciables et nous permettent de dîner tranquillement...même si la pause fut courte. Nous avons un peu de misère dans nos repères aujourd'hui, le lac Nomade devrait être sous nos yeux depuis longtemps. Cela ne me stresse pas le moins du monde. Je suis parfaitement sereine dans la nature sauvage. Je sens que Steph est pris dans une émotion plus intense et verse des larmes. C'est surtout qu'elle ne sent pas bien, peu d'énergie du au fait qu'elle a été malade et qu'elle l'est probablement encore. Nous nous soutenons coûte que coûte. Nous décidons alors d'utiliser notre ultime recours d'orientation : Gaïa GPS. Quel petit bijou bien accommodant ! Tony et Jean-Mi nous tracent le chemin et leur travail d'orientation est vraiment bon. Surtout qu'ici, le climat peut vous surprendre de manière significative et ce n'est pas à prendre à la légère.

Confiance, moment présent, pleine conscience.


15h30 : Mais ou diable se cache le lac Nomade ??? Il porte bien son nom, lui ! Se déplace-t-il au fur-et-à-mesure qu'un pèlerin veut l'approcher ? La pluie est froide. Mais à défaut d'être mouillés et gelés, nos cœurs sont chauds et joyeux. Les paysages percent parfois la brume et nous éblouissent de leur splendeur. Nous contournons le lac du Leurre (tient encore un nom bien trouvé. Tu croyais que c'était le Nomade, ben non !!! c'est un Leure hahaha).

Point GPS Lac du Leurre : 51°29'52'' N / 68°6'25'' W


16h00 : Le camp ! Il faut le monter maintenant, Steph est faible et c'est maintenant que ça se passe. Peu importe que le lac Nomade soit là ou pas.

Point GPS : 51°30'03'' N / 68°6'17'' W

Nous ne le verrons que tard dans la soirée lors d'une percé dans la brume, nous croyant encore loin, nous étions sur ses rives.

Nous montons les tentes dans une sorte d'enclave entre deux montagnes atténuant légèrement Éole et sa furie posant la bâche de manière à ce que le vent soit coupé. Le stock est détrempé, la pluie bat son plein, le vent redouble d'ardeur. Je n'ai plus de vêtements secs, mon manteau d'hiver aurait lui aussi besoin d'une essoreuse. Misère. Je repousse mes limites. L'angoisse de ne pas pouvoir me mettre au sec et au chaud vient me chercher au plus profond de moi. Je vais passer une autre soirée froide et humide. Bon. Respire, il n'y a pas mort d'homme. Tony et Jean-Mi sont confortables, ils préparent le coin cuisine et mettent en place le souper alors que Tony me donne l'ordre d'aller me mettre dans la tente et trouver des vêtements secs. J'ai tellement froids. Je ne veux pas être seule et je ne l'écoute pas tout de suite. Erreur. Je file lorsqu'il insiste sévèrement. Mais comment font-il nos hommes pour être aussi confortables dans ces conditions ? Je les admire, je veux être comme eux.

Souper : risotto aux légumes préparé par notre Jean-Michel, c'est bon et chaud. Notre nourriture déshydratée est loin d'être insipide. Nous sommes des as des repas plein-air.

Je suis admirative de la force de caractère de mon homme et de son sang froid, de son enthousiasme lors de telles situations. Il met de la bonne humeur dans un moment difficile. Quel guide ! Quel homme. Jean-Mi aussi est tendre et réconfortant. Ils sont merveilleux et réchauffent le coeur de tous. Probablement nous aussi, mais personnellement, en cet instant, je me sens inutile, faible et à bout de nerf. Je m'en rendrais compte le lendemain : je suis plus forte que ce que je pense. Mes limites sont loin d'être atteintes. Mais lorsque nous nous couchons dans la tente, mouillés, le sac de couchage trempé à cause de mes maladresses, le vent ballottant la tente au point que la toile me revient dans la face... je craque, je pleure, j'ai beaucoup de mal à gérer mon émotion du moment. Et pourtant, j'adore ce que je suis en train de vivre. c'est complètement paradoxale. Ça s'est de la vraie expédition ! Ce sont d'incroyables connaissances de la vie qui sont en train de s'acquérir ici. Tony s'en va pisser ... La brume se dégage juste 1 minute ... Le Lac Nomade !! Charly, me crie-t-il. On est juste au bon endroit prévu, le lac est devant nous !!!


Dodo. Épuisement physique et moral, émotions fortes, dépassement de soi, bonheur.


Jour 4 : Petits flocons, gelée automnale. Gambadons sur les crêtes! (27/09/2018)

“Aucun dogme, idéologie ou système ne peut remplacer ce que tu vis ici. C'est ton expérience du sacré, ton rituel, ton lien avec le grand tout et peut-être autre chose que toi seul ressens. Contemple, médite, ou disperses toi en ça. C'est ton reflet, c'est ton essence.'' (Louis-do et Gab, Le Banc, Corvée 2013)

Matin froid. J'ai bien dormi car Tony a zippé nos sacs de couchage ensemble. Sa chaleur m'a bercé bien que je me sois endormie tard. Pendant la nuit, le vent à viré de bord. Ah misère, le Nordet. Au 51e parallèle, on sait tous ce que cela annonce ... 5h00 du matin, nous ouvrons les tentes, 2 pouces de neige. Ben voyons dont !! La lumière est d'un blanc immaculé. C'est superbe. Nous rions... un peu jaune pour ma part, mais je garde le sourire. Stock mouillé puis gelé. Espérons que la température soit clémente le reste de la journée. La corde roulée en boule tient tel un moton de glace. J'ai un peur de ma capacité à résister au froid ce matin. Mes bottes de randonnée sont gelées comme de la pierre de pluton! J'apprendrai quelques heures plus tard que mon corps a des capacités bien supérieures à celles que je lui octroie. Nous sommes capables d'en prendre encore bien plus avant de fléchir un genoux au sol. La machine humaine est d'une incroyable adaptation et résistance, nous avons juste oublié cette magnifique capacité que chacun possède. Tony dit que je suis capable. Lui et Jean-mi sont confortables. Ils semblent toujours avoir chaud ces hommes ! Ma belle Steph a froid aussi. Son stock, c'est de la glace. On s'active fort pour replier le campement et ranger afin de faire circuler le sang et se réchauffer. Pendant ce temps, l'eau du petit déjeuner boue dans la marmite, sous la bâche du coin cuisine. C'est ce que vous devez remballer en dernier lors d'une expédition. Il ne vente plus, la neige est seulement au sol. Ouf .... Un élan d'enthousiasme m'envahit. Steph va mieux, elle nous annonce qu'on sort ce soir. Elle ne continuera pas les 2 autres jours prévus. Nous sommes une équipe, on est arrivé ensemble, nous repartons ensemble. On sort tous ce soir. Heureux. Un brin frustrée cependant de ne pas terminer l'entièreté du massif. C'est non négociable, nous revenons très bientôt vous fouler de la botte sur tous vos flancs et vos crêtes, chers Mont Groulx.


Le paysage est indescriptiblement beau ! Le lac Nomade a revêtu son manteau blanc dans un calme perceptible et communicatif. Je dois me réchauffer , je gèle. Steph aussi. En attendant qu'on soit prêt à partir, je cours la montagne de bas en haut sur plusieurs aller-retours, pendant près de 20 minutes. Je sautille, je fais des squats. immanquablement je sors mon cellulaire pour prendre des photos panoramiques de ce paysage à couper le souffle. Il n'y a rien à part nous les amis! Si ce n'est la communion avec la nature, notre instinct. Et ce n'est pas rien ça ! Cela nous a pris 3h de lever le camps et de petit-déjeuner. Il ne faut pas négliger ce laps de temps nécessaire sous ces températures. On se console pendant que nous remplissons nos petits corps d'énergie, de sucre et de protéines. Beaucoup de randonneurs expérimentés s'y sont pris à plusieurs fois pour gravir cet enlignement de 30 montagnes sauvages à la boussole. Uapishka, c'est une surprise à chaque jour. Dans sa magnificence, il vous apprend aussi la résilience.

Résilience... Un mot magnifique.


Aujourd'hui, notre sens de l'orientation est excellent. Vous allez probablement rire un peu: Nous avons avalé en une journée complète l'équivalent de nos deux premières journées ! Ça aide de ne pas s'embourber dans le bush, de détours en détours. Nous apprenons à mieux lire notre environnement, à la comprendre, à l'apprivoiser. Je n'ai plus envie de sortir ! Le temps se fait clément, le soleil commence à pointer le bout de ses rayons et réchauffe nos corps, nos vêtements, telle une caresse réconfortante. Les sentiments qui m'accaparent sont forts et puissants. Je voudrai terminer la traversée. Je pense que tout le monde le voudrait bien. Mais la sagesse est le meilleur allié de l'aventurier. Nous sommes tout de même heureux de retrouver la station Uapishka ce soir. L'idée de siroter un verre de vin ou un shooter de rhum à Jean-Mi tout en relatant nos aventures, nous plait. Pendant la traversée, les discussions d'amitié, les fous rires nous donnent des ailes. Nous sommes chanceux d'avoir de si bons amis avec qui partager cette folie de la vie.


''Le bonheur n'est réel que lorsqu'il est partagé'', nous disait Christopher McCandless. Il a tellement raison. Nous devrions tous graver cela dans nos mémoires.


12h00, nous arrivons à l'abris du Lac Quintin ou nous retrouvons le groupe de français rencontré la veille. Ils ont dormi là et s’apprêtent à rentre et nous à dîner. Nous avons le temps. Il fait beau, nous sortons ce soir du wild. Pas de stress. Nous prenons 1h00 pour manger et se faire voler notre repas par les Mésangers.


Lors de la remontée du Massif Provencher, nous retrouvons la trail des ''anciens'', et le groupe de français qui se donne alors beaucoup de misère en attaquant par la face Nord très raide, alors que le passage contournant le flanc de montagne jusqu'à la crête vous permet une progression bien plus douce, même si plus longue en terme de distance. Au final, nous arrivons avant eux en haut avec une énergie au top. Parfois, il faut préférer les chemins de traverse plutôt que la face d'un singe. C'est un bien meilleur choix pour dépenser moins d'énergie pour un même résultat. Il faut se remettre dans la peau instinctive d'un animal. La crête est toujours aussi majestueuse. Le plus fou est de se dire que ce que nous avons sous les yeux est le résultat d'un impact avec une météorite de 8 km de diamètre, frappant la Pangée il y a 214 millions d'année à une vitesse de 17 à 60 km/seconde. L'énergie cinétique se changeant alors quasiment instantanément en énergie mécanique d'excavation, en seulement 10 secondes, il se creusa un cratère d'environ 10 km de profondeur et de 30 km de diamètre. L'écorce terrestre fracturée sur 100 km, se liquéfia en son centre et le liquide fut propulsé à l'extérieur. Les parois abruptes s'effondrèrent, digérées par le magma. En refroidissant aussi vite, les minéraux se formèrent en 2 minutes. 35 ans après cette étreinte venue du cosmos, 10 mètres de roches solides isolèrent le magma liquide qui prendra 1600 ans à se solidifier. C'est le 4e plus grand cratère que la terre porte en cicatrice. Rempli d'eau de manière naturel, l'Homme en a fait sa propriété en le transformant en réservoir pour ses besoins personnels que je qualifierai d’insatiables.


De notre défi de traverser les Monts Groulx, est né un autre projet : celui de faire le tour de ce cratère en kayak prenant 12 jours. 12 jours D'une expérience encore plus folle à défier les éléments et la météo, et montrer à la nature que nous sommes encore en communions avec elle, nous être humain. Avec l’ego dans la poche, nous te montrerons mère nature, que nous t'appartenons , et non l'inverse.


Nous nous sentons enrichis, ressourcés. Chaque expérience, chaque expédition, est une transformation de soi vers le meilleur de nous même. Apprendre de ses erreurs, apprécier d'en faire une force, de se retrouver en tant qu'être vivant faisant partie du grand TOUT. Cette folle aventure, bien écourtée, a suffit à faire de nous des Groulxpies de l'oeil du Québec et de meilleures personnes.


ENJOY LIFE AND GO OUTDOOR, IT'S THE REAL LIFE :)



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