Texte : Charly Dupasquier (Charly . D)
Photos : @Charly.d.adventure & Tony Charest (merci de respecter les droits d'auteur, ces images ne sont pas libres de droit).
La nature sauvage nous appelle… Jusque dans nos papilles. L’odeur du feu de camp nous chatouille les narines autant que celle du sapin baumier qui respire derrière nous. Je regarde ce feu incandescent. L’heure de préparer le repas approche.
Il y a quelque chose de très instinctif dans la cuisine sur le feu de bois. Aucune hâte n’est possible. Il faut être patient.e. C’est le feu lui-même qui dicte le rythme. Celui qui mène à la chaleur parfaite et à la bonne braise. Je ne parle pas de cuire des guimauves ou un morceau de saucisse sur une branche, bien que ce soit merveilleux. Je vous parle d’un concept qui va plus loin que le simple fait de s’alimenter. Cuisiner sur le feu, est un véritable mode de vie. Une façon de ralentir, d’être en pleine conscience et surtout, être dehors en pleine nature, plus longtemps. C’est une façon de renouer avec ses instincts et nos traditions ancestrales. C’est aussi synonyme d’authenticité et surtout de partage avec des personnes qui vous sont chères ! Pour moi, cette cuisine s’élabore autour de la communauté.
“C'est une véritable reconnexion à la nature, à ses instincts. Toutes les étapes se réalisent en totale conscience, une chose à la fois.” (Charly D.).
J’avais déjà beaucoup expérimenté cette cuisine lors de mes longs périples en nature. Même sous la pluie. Mais toujours avec trop de presse, dans la ferveur et le rythme intense qu’imposent les expéditions où il faut penser à un milliard de choses en même temps. Rechercher de l’eau, l’emplacement du bivouac avant la pénombre, traiter l’eau, préparer, sécuriser, monter le camp, penser au trajet du lendemain, cacher la nourriture des animaux sauvages, et j’en passe… Il ne reste alors plus beaucoup de temps. Mais cuisiner sur le feu requiert l’aide de Chronos, beaucoup de sérénité et de connexion. C'est une sorte de rituel de vie nomade. Cela impose de réduire le nombre de kilomètres avalés par jour, pour se laisser le temps d'avaler la nourriture sans presse à la fin de la journée.
Cette flamme s’est rallumée dans mon cœur lors d’un camp d’explorateur que j’ai vécu avec Vaolo. J’ai fait la rencontre de la merveilleuse et inspirante équipe de Brut Atelier alias Brut en Bouche, qui utilisent les produits locaux, ceux de la forêt, de leur jardin et des équipements en acier conçus et fabriqués par leur soin. Voir évoluer Thierry Poisson, sa conjointe Carine Martin et leurs acolytes, m’a véritablement transporté dans un autre monde empreint de délices, d’émerveillement et de simplicité déconcertante.
Peu importe l’endroit où je me trouve, à notre chalet au bord de la rivière, en canot-camping, en séjour refuge dans la forêt, je ne manque pas une occasion de prendre un moment off pour cuisiner une recette à saveur boréale sur le feu de bois. La branche de sapin baumier et le sirop délicieux qu’il produit ne sont jamais loin ! Les plantes comestibles que je connais agrémentent mes recettes dès que ces petites coquines se laissent découvrir au fil de nos randonnées ou de nos coups de pagaie. Plantes de bords de mer, plantes forestières, plantes des champs, champignons… Autant de délices à notre portée, pour ceux qui s’y connaissent !
ATTENTION, cueillir le sauvage requiert des formations et des connaissances, car ce n’est pas sans danger. Se tromper peut vous rendre extrêmement malade voir même, mener à la mort. La PRUDENCE est donc de mise. Si l’envie d’agrémenter vos plats de bivouac avec des plantes sauvages comestibles vous prend, formez vous au préalable et faites vous accompagner par des spécialistes en la matière. Vous devez être sûrs.e.s de ce que vous vous apprêtez à consommer.
Étape 1 : Le bon feu
N’ayez pas peur, osez ! Il faut un bon nombre d’essais erreurs pour devenir habile avec le feu et trouver le bon équilibre. J’aime beaucoup sectoriser mon feu. Une fois bien partie, lorsque des braises commencent à se former, j’en rassemble une partie que je dispose dans une autre section de mon pot-au-feu. Cela me permet de garder une autre partie du foyer actif que j’alimente continuellement afin de renouveler ma braise. Je me créer ainsi plusieurs zones pour commencer à cuire mes aliments : une partie de braise pour la cuisson, une partie ‘’tampon’’ qui reste chaude sans être démente, me permettant de conserver mes aliments au chaud, et une zone de feu à plus grosses flammes, qui me permet de réalimenter mes braises et m’assurer un confort indéniable pour la soirée.
Si le repas se décline en plusieurs mets, ce sera l’affaire de plusieurs heures en pleine conscience. Un feu s’entretient continuellement.
Que ce soit sur un pit à feu, un barbecue en acier spécialisé, un feu en milieu sauvage ou de bords de rivières, les possibilités sont infinies. Il en va du bon sens de rester SÉCURITAIRE.
Respectez les règles en vigueur, surtout dans les milieux protégés qui sont sujets à une réglementation;
·Consulter les restrictions quotidiennes sur le site de la Société de protection des forêts contre le feu;
Protégez vous. Munissez vous d’une paire de gants adéquats (kevlar par exemple) et portez des chaussures fermées. Ne faites pas de feux de joie ...
Le choix du bois est une étape d’importance. Le bois franc (dur) ou fruitier seront toujours vos alliés contrairement au bois mou. Aux bords des rivières, gardez ce concept en tête. Pour démarrer un feu, j’aime pousser mes instincts dans leur plus grande simplicité. La pierre à feu est mon outil préféré. Grâce à une sélection de petits bois secs, d’écorces de bouleau prises au sol ou sur un arbre mort et un peu de mousse de sécheuse que j’emporte toujours avec moi, je démarre mon feu de vie avec efficacité.
Je prends le temps au préalable, de confectionner une surface à feu SÉCURITAIRE, où je sais qu’aucun élément à proximité ne pourrait provoquer un incendie. Je monte mon petit bois en tipis, puis une fois bien pris, je continue de monter de plus grosses bûches en quadrillage afin de produire une aération naturelle qui permettra d’alimenter mon feu en continu. Je laisse ensuite une partie se consumer, pour avoir une belle braise de cuisson. Il faut compter au moins 30 à 40 minutes pour de belles braises bien chaudes.
Pour une sécurité optimale, prévoyez toujours d’avoir de l’eau à proximité et/ou un extincteur. Lorsque votre repas sera terminé, veillez à bien éteindre votre feu. Prêtez y une attention toute particulière. Un feu qu’on pense éteint, ne l’est peut-être pas. Si quelques braises restent, un simple coup de vent pourrait rallumer le feu, devenant un danger sans surveillance.
Étape 2 : les aliments bruts, l’équipement et la cuisson
En canot-camping ou en bikepacking, la poêle en fonte est toujours au fond du sac ou du baril étanche ! Elle est toujours accompagnée d’une pince et d’une petite pelle en métal pour accumuler la braise et d’une grille portative. Divers équipements spécialisés existent pour rendre l’expérience encore plus agréable (Hooké boutique).
J’adore cuisiner les poissons ou le tofu aux légumes frais du jardin, soit en papillote (en les recouvrant de braises chaudes) ou sur ma poêle en fonte. Les épices de l’entreprise québécoise Kanel que j’utilise souvent en ce moment viennent sublimer les saveurs. Mais ce que j’affectionne particulièrement, c’est d’utiliser la nature sans laisser de trace. Je glisse souvent des branches de sapins baumiers, ou du sirop de sapin, des champignons forestiers, de la salicorne ou de l’arroche hastée si je suis en bordure de mer. Je veille toujours à ne cueillir qu’une petite quantité soigneusement, sans impacter le milieu sauvage ou détériorer les plants. Je privilégie aussi les aliments biologiques, locaux et les produits d’élevage écoresponsables.
Vous pouvez utiliser une grille pour le feu, dont vous ajustez la hauteur suivant la réaction des aliments ou des plaques spécialisées. Quant à la poêle, elle peut être directement posée sur les braises. Attention, la cuisson va alors très vite. C’est pourquoi j’alterne souvent entre la grille et la braise directe, suivant l’aliment cuisiné. Le gout du cramoisi ne doit pas s’inviter au banquet ! En bivouac sauvage, c’est aussi le moment parfait pour disposer sur le feu, une chaudronne d’eau de rivière, que nous faisons bouillir au minimum 5 minutes, afin de la rendre propre à la consommation. Une pierre deux coups, notre eau pour la soirée et pour demain est prête !
Étape 3 : Savourer
Pour les amateurs.rice.s de poissons, vous allez adorer la truite poêlée aux légumes sauvages (se déclinent avec toutes espèces de poissons) !
Truite sauvage fraichement pêchée… ou pas !
Pleurotes
Oignons coupés en rondelles
Râpé de carottes et de courgettes
Ails
Moutarde onctueuse
Sirop de sapin
Sel brûlé citronné
Graine de sésame grillée
Huile de noisette
Vin blanc
Sur une grille, placez la truite enduite d’un peu d’ail et d’un mélange de moutarde onctueuse, du citron, un peu de sirop de sapin, du sel et poivre (il est encore meilleur de le faire mariner au préalable). Placez une branche de sapin baumier sur le dessus. Il faut veiller à varier la hauteur de la grille suivant votre braise, pour une meilleure cuisson. La cuisson est complète lorsque la chair du poisson s’arrache facilement à la fourchette.
Dans une autre poêle en fonte, faites revenir les légumes dans de l’huile de noisette, un peu de sel citronné, un peu de vin blanc si le cœur vous en dit. Dès que les légumes sont bien poêlés, réservez-les dans un bol en inox recouvert de papier d’aluminium. Placez-le directement dans la partie ‘’tampon’’ de braises pour les conserver au chaud, le temps que la truite finisse de se faire dorer au soleil. Ajouter vos graines de sésame fraichement grillées à la toute fin.
Pour une version végétarienne, réalisez les mêmes étapes avec des tranches de tofu marinées. C’est un vrai délice.
Ce rituel culinaire fait de plus en plus partie de nos vies et de chacune de nos expéditions au long court, particulièrement celles en canot. Grâce à ce mode de vie, nous partageons des moments uniques et inoubliables, remplis d’un bien-être ineffable et au goût délicieux.
À vous d’essayer, d’oser et de l’adopter. Et si vos premières recettes ne sont pas convaincantes, riez-en, la prochaine sera la bonne ! En attendant, vous ferez toujours plaisir en proposant quelques guimauves enroulées dans du chocolat fondu à déguster autour du feu !
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