Écrit par : Charly Dupasquier
Crédit photo : Charly Dupasquier et Tony Charest
© Photo : Tony Charest, édition : Charly dupasquier
Et si la découverte et l'aventure se réinventaient à travers une perception qui nous est propre ? Le contexte pandémique nous a contraints à rester sur place. Nombreux se sont senti emprisonnés. Alors que la liberté reprend à demi-mesure, mon corps à moi présentement malade, continue de me contraindre à la proximité, loin de mes grands projets d’expéditions montagnardes sur des sentiers de plus de 100 km. Ceux-là mêmes qui me promettent la liberté et le nomadisme qui crient forts en moi.
“L’aventure est dans chaque souffle de vent.” (Charles Lindbergh / The Spirit of St Louis).
Mais dans le fond, vivre l’aventure c’est quoi ? Bouddha disait que le plus grand voyageur n’est pas celui qui a fait cent fois le tour de la planète, mais une fois entièrement le tour de lui-même. D’autres disent que l’aventure se trouve dans le chemin et non la destination. Des phrases qui parlent et crient aussi fort en moi que ce besoin insatiable de sortir des sentiers battus et de vivre en sauvage avec mon sac sur le dos. Mais j’ai réalisé que je pouvais voir l’aventure différemment, puisque la vie me propose d’être présentement moins mobile. J’ai donc décidé de faire de ma cour arrière un lieu d’aventure et de découverte me permettant de renouer contact avec mon environnement immédiat. Comme quand j’étais enfant et que mon jardin était le théâtre d’histoire de pirates, d’explorateurs polaires ou de naufragés sur une île déserte. C’est aussi ça, être en adéquation avec les valeurs de proximité et de tourisme local, de pratiquer les sports de plein air qui me font sentir libre, mais aussi de découvrir des éléments naturels qui m’avaient échappés jusqu’à présent, alors qu’ils sont présents sous mes yeux quotidiennement. Nul besoin de partir à chaque fois à l’autre bout du monde pour vivre de grandes aventures. Et c’est une vision que je vous invite à expérimenter.
C’est ainsi, que par une belle matinée d’avril, nous avons chaussé nos skis Hok à même notre perron, sac à dos sur le dos, la gamelle et le café y attendant sagement, prêts à être sortie sur le manteau neigeux, comme si nous partions en expédition hivernale. La plus belle manière de ne pas me mettre de pression… Si mon corps m’arrête, la maison n’est qu’à quelques glissades et mon compagnon me tendra sa main sécuritaire et bienveillante.
Nous descendons la pente du champ jusqu’à la rivière du Loup. Cette étendue blanche se jetant dans la rivière est aussi majestueuse que les photos d’aventure professionnelles que je regarde chaque soir avant de m’endormir. Je me prends à regarder cet environnement comme pour la première fois, dans tous ces détails. La façon dont les arbres se penchent au-dessus de la rivière, l’urubu qui tourne au-dessus de nos têtes et les odeurs de la forêt alluviale. Celles des aulnes, des frênes et des peupliers.
Nous décidons de nous enfoncer dans cette ripisylve sans sentier. Quelques coups de machette sur les arbres morts pour se frayer un chemin. Seulement quelques coups bien étudiés qui n’endommagent pas l’écosystème. L’aventure dans toute sa splendeur… à seulement 2 kilomètres de la maison.
Le soleil réchauffe la peau de mon visage que la nature rend benoite. Je regarde mon partenaire de vie, mon partenaire d’aventure. Celui-là même qui m’accompagne dans ce cheminement, toujours prêt à mettre un sourire sur mon visage et voir la vie du bon côté. On est bien ici. Nos skis hok glissent dans un doux crissement sur les cristaux de neige rendus collants par la chaleur printanière. On s’amuse à reconnaitre les essences d’arbres en plein hiver, à surveiller chaque empreinte sur la neige pour deviner quel animal est passé par ici avant nous. C’est un délice. Et nos cœurs vivent l’aventure sans même se rendre compte que le clocher de l’église du village montre déjà le bout de son nez, sorti tout droit des épinettes qui nous plongeaient dans un semblant de nature sauvage, cachés des yeux de tous.
On se trouve un petit endroit à l’abri du vent pour prendre une pause-café ‘’cowboy des bois’’, comme on le ferait lors d’une expédition de plusieurs jours. Nous tapons la neige de avec nos skis afin que le sol soit assez solide pour nous installer. J’ouvre le feu de notre réchaud avec un sourire sans fin. Je me sens légère. J’écoute le gazouillis des premiers oiseaux migrateurs et plonge dans les beaux yeux de mon conjoint qui sont aussi thébaïdes que cette forêt de proximité. L’odeur du café se mêle à celle des bouleaux dont la sève commence à monter en cette journée de printemps. Nous rions en remarquant que j’ai oublié nos tasses. Un cowboy sait boire son café en toute circonstance… La deuxième gamelle fera bien l’affaire.
Nous rinçons nos gamelles avec un peu de neige, rangeons le sac à dos, chaussons à nouveau nos skis et repartons clopin-clopant en direction de la rivière. Nous retraversons cette forêt alluviale et ces champs appartenant à nos voisins comme si nous étions à l’autre bout du monde. Je me vautre, les skis en l’air prise dans une racine et rit d’être rendue aussi gauche. Cet instant de bonheur, je l’imprime profondément dans mon cœur et ma tête. Je sais qu’il est labile et qu’à chaque instant cette liberté peut m’échapper. Mais après tout, l’aventure est un concept. Une image de ce que représente l’expérience sauvage, qui nous sort de l’ordinaire. Et si ce concept pouvait prendre de multiples formes ? De la plus simple à la plus inusitée ? Et si, la vie elle-même était vue comme une aventure, chaque matin dès notre réveil ? Cela nous rendrait possiblement moins frustrés, plus résilients, plus proches de notre vraie nature, de LA nature et aussi plus proche les uns des autres. À vouloir envier, quasiment handicapée de mes jambes, les plus grands aventuriers de ce monde, j’avais oublié de vivre. J’avais oublié que je possédais encore une diversité et une force insoupçonnée en moi. Et elles sont aussi grandes dans mon jardin… aussi grandes dans ma cour arrière.
Je suis consciente d’être chanceuse d’habiter dans un village de région et que mon jardin s’ouvre sur la forêt et la rivière. Mais à seulement quelques rues de chez vous, je suis certaine que des bouts de nature vous attendent. Peut-être même qu’à quelques arrêts d’autobus, un parc vous invite à cette aventure de proximité et de partir à sa découverte, à sa rencontre...
Alors si vous aussi, vous deveniez un.e aventurier.ère de la cour arrière ? :)
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